L’avocate a animé une conférence-débat hier jeudi 27 mars 2025 à Yaoundé au cours de laquelle, elle a apporté des éléments de réponse autour de plusieurs questions, à l’instar de l’impact du pouvoir de la femme au sein de la société actuelle, la place de la famille monoparentale au Cameroun et les séquelles de la colonisation sur la femme africaine.

Sur la création des sociétés nouvelles par des femmes
Je crois que la question a déjà trouvé une réponse ici. Il faut sortir de cette vision intellectualiste pour ce que nous devons faire pour redevenir nous-mêmes par rapport au travail que vous faites, je pense que vous vous en êtes rendus comptes. Une très grande partie de la connaissance que vous (les femmes) avez acquise est impossible à traduire avec des mots, c’est une espèce d’absorption.
Vous ne pouvez pas décrire tout ça avec des mots comme à l’école où vous allez répondre pour dire quels sont les examens et questions auxquels vous avez répondus et qui vous ont amené à ce niveau de conscience. Je pense que, l’acceptation de ce que nous sommes chacun en ce qui le concerne, fait 90% du travail.

Sur la question de s’inquiéter pour les hommes si les femmes prennent le pouvoir
Il n’y a pas de peur dans le rapport homme-femme dès lors que chacun est encré en lui-même. Vous ne pouvez pas avoir peur de ce que la femme va faire d’une connaissance qu’elle a acquise. Cette façon de vivre le monde c’est ne pas savoir qui nous sommes. Il est primordial de l’intégrer et de transmettre tout cela à nos enfants. Nous n’avons pas de démonstration à faire, nous ne devons pas avoir peur. Nous n’avons qu’à récupérer quelque chose qui nous a été volé. Maintenant qu’on a compris que nous sommes supérieurs est-ce que nous aurons encore besoin des hommes ?
C’est une question intéressante et importante. Moi qui suis une grande curieuse, je me suis rendu compte qu’aux Etats-Unis, était né un mouvement d’affirmation de l’inutilité de l’homme dans la vie, qui avait commencé chez des femmes Blanches et a continué chez des femmes Noires. Si cette prise de conscience est mal utilisée, elle va stimuler notre égo au lieu d’élever notre esprit et notre âme. Nous n’avons aucune envie en tant que femmes, de vous remplacer ou de se passer de vous.

Sur la considération de la famille monoparentale
C’est une question qui me touche personnellement. La vérité c’est que la société camerounaise n’ai pas vraiment structurée pour tenir compte de cette réalité-là, ni pour considérer que lorsqu’on est une famille monoparentale, on est déséquilibré, défavorisé par rapport à d’autres structures familiales. Ce serait un peu le contraire en matière fiscale lorsque vous êtes marié que vous avez des enfants, vous avez des avantages fiscaux parce que vous êtes supposé avoir plus de charge que lorsque vous êtes célibataire en ayant des enfants.
Il y a une espèce de préconception défavorable à la structure monoparentale de la famille. C’est une structure qui pose beaucoup de questions par rapport à la reconnaissance des enfants, aux questions de succession ou aux questions fiscales. La société camerounaise n’a pas encore pris conscience que c’est une forme de famille à part entière et elle a besoin d’un regard particulier.
Je ne connais pas suffisamment le droit international sur cette question spécifique pour me prononcer là-dessus, mais je dirais que de mon expérience, la réflexion a plus porté sur la protection de la femme, celle de l’enfant et la protection de la veuve que sur des questions de la protection de la mère seule ou du père seul. C’est une question qu’il est important d’analyser, d’explorer et d’examiner parce que c’est un model qui est de plus en plus récurent dans nos sociétés aujourd’hui. Traditionnellement la question ne se posait pas, c’est peut-être parce qu’on ne laissait pas des femmes devenir des mères célibataires. La société était organisée pour qu’une femme ne se retrouve jamais seule à élever ses enfants.

Sur les séquelles de la colonisation
La colonisation a complètement déstructuré nos sociétés et a effacé une mémoire ancestrale sur qui nous sommes et quelle est notre place dans la société. Nous ne nous sentons pas inférieures aux hommes, nos mères ne nous ont pas transmis le sentiment d’infériorité. Elles nous ont transmis le sentiment de notre fragilité, de la nécessité de veiller, de guider, d’établir et de faire en sorte que l’homme se sente l’obligation, la fierté de nous apporter sa protection, parce que nous sommes dans des sociétés violentes.
Nous les femmes devons donc créer un environnement avec cette autre moitié de l’humanité qui nous protège et nous permet de faire correctement ce que nous avons à faire. Mais quelle est notre place de femme dans la société ? la femme c’est celle qui organise, c’est celle qui établit, c’est celle qui guide. C’est pour ça que notre histoire regorge de reines qui étaient des femmes et lorsqu’elles travaillaient, personne ne se disait que c’est une femme et qu’elle ne peut pas y arriver.

Nos sociétés traditionnelles sont pleines d’organisations qui ressemblaient à des assemblées nationales qui étaient des organisations féminines. Il n’y a pas dans notre histoire, un questionnement de notre capacité à faire usage de nos têtes et à utiliser nos têtes pour aider la société à mieux fonctionner pourtant après la colonisation, il y a eu d’autres critères de classement des êtres humains et l’instruction était l’un de ces critères pour avoir de la valeur dans la société.
Si pour une raison ou pour une autre les femmes allaient moins à l’école, tout d’un coup leur rôle social était dévalorisé. C’est pourquoi il y a des phrases du type « on va la cantonner à la cuisine » parce que les féministes occidentales, lorsqu’elles ont voulu mondialiser leur mouvement d’émancipation, ont commencé à nous dire, qu’il faut sortir des cuisines alors que nous y étions bien (rire), parce que le rôle de la cuisine est un rôle essentiel. Nous savons nourrir, nous savons fabriquer de la nourriture et nous savons reproduire le cycle de la vie.


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