L’expert en financement domestique/finance agricole et rurale analyse l’arrêté du Premier ministre portant création, organisation et fonctionnement du « 2 FC-CVAEP » du 22 mars 2023.
Le 22 mars 2023, le Premier ministre chef du gouvernement a signé un arrêté portant création du Fonds de facilitation de l’offre de crédit pour le développement des chaînes de valeurs agricoles, de l’élevage et de la pisciculture. Concrètement, à quoi servira ce fonds ?
Selon l’arrêté du Premier ministre, il s’agit d’un mécanisme dont la mission principale est de permettre le financement de façon durable des chaines de valeur agricole d’élevage et de la pisciculture.
L’alinéa (2) de l’article 2 dudit texte parle de la facilitation de l’octroi des crédits. Comment ça va se passer ?
La facilitation du crédit en question s’appuie sur deux compartiments. Le premier dédié au financement des chaînes de valeurs agricoles (C-CVA) tandis que le deuxième quant à lui gère les chaînes de valeurs élevage et pisciculture (C-CVEP).
Les deux compartiments sont dotés chacun de deux guichets, le premier est un Fonds de garantie partielle de 50% adossé sur une banque commerciale tandis que le second guichet repose sur la facilité de refinancement des Etablissements de micro finance (EMF). La facilitation repose donc sur un dispositif tripartite qui met en action trois acteurs à savoir :
Un opérateur financier qui est une banque de premier ordre dont le rôle dans le mécanisme est de mettre à disposition les ressources à l’endroit des EMF participants au financement des cibles. Les établissements de micro finance qui engagent directement leur ressources pour accompagner les acteurs de la chaine. Les acteurs des chaines de valeurs agricoles, de l’élevage et de la pisciculture.
Afin d’opérationnaliser la facilitation l’arrêté a prévu la mise en place d’un comité interministériel chargé de suivre le déploiement du mécanisme à travers la coordination de la mise en œuvre du dispositif au niveau des actions et des différentes actions
En 2018, un processus de création de la Cameroon Agriculture Financial Rural Corporation était en gestation. 5 ans plus tard, le gouvernement parle de la création d’un fond de gestion. Comment comprendre ce revirement ?
Le projet de la banque Agricole était dans le circuit depuis 2011 et des démarches avaient d’ailleurs été initiées au niveau de la commission bancaire de l’Afrique Centrale par le gouvernement sauf qu’à ma connaissance il n’y a plus eu de suite officielle concernant ce projet ce qui montre que le projet a été suspendu.
Toutefois il convient de préciser quand même que dans le cadre de la politique de financement du secteur agricole promu par le gouvernement à travers SND30 plusieurs mécanismes sont mis en œuvre parmi lesquels la Banque Camerounaise des PME. Au niveau de cette banque pour ce qui concerne le financement du secteur agricole, il a été développé un produit dénommé GUICHET AGRO qui permet à l’établissement d’intervenir sur cinq filières : les céréales (blé, maïs, riz, mil, sorgho, haricots, soja) ; la pisciculture ; le palmier à huile ; l’ananas et l’aviculture. Il est possible que le gouvernement ai opéré le choix de positionnement progressif pour ne pas faire double emploi.
Selon l’article 6 alinéa 1-2, le fonds de garantie partielle de 50% a pour instrument de financement la Banque commerciale de 1er ordre agréé par le ministère en charge des Finances et mandaté à cet effet. La banque commerciale visée à l’alinéa 1 ci-dessus engage directement ses ressources au taux du marché moyennant une garantie financière partielle de 50% octroyée par chaque compartiment visé par le présent décret. Concrètement, que veut dire cet article ?
Cela signifie simplement que les deux compartiments du fonds à savoir : le compartiment dédié au financement des chaines de valeurs agricoles en abrégé C-CVA et le compartiment dédié au financement des chaines de valeurs de l’élevage et de la pisciculture au niveau de leur guichet accorde à la banque une garantie de 50% sur le montant des crédits qu’ils accorderont aux bénéficiaires cibles du fonds.
A l’analyse du mécanisme de fonctionnement du dispositif mis en place on peut s’interroger sur son efficacité notamment au niveau de la constitution du comité du secrétariat technique, qu’en pensez-vous ?
La mise en place d’un fonds de garantie est l’un des moyens existants pour gérer et partager le risque entre les différentes parties prenantes et faciliter une plus grande implication d’institutions financières orientées vers le monde rural. Avant d’arriver à l’opérationnalisation du fonds puisque nous sommes encore au niveau de l’arrêté de création, il est utile que le gouvernement puisse suivre l’ensemble des étapes de mise en place avant l’opérationnalisation.
Néanmoins il est important de préciser le dispositif de garantie ne sera viable que si l’institution gestionnaire du fonds est relativement indépendante et dispose d’un personnel spécialisé. Les modalités de fonctionnement doivent être examinées et définies suffisamment à l’avance avec l’opérateur financier et les établissements de micro finance parties prenantes.
Pouvez-vous nous indiquer des expériences réussies à travers le monde ?
Des Fonds de garanties très renommés dans le secteur du financement agricole opèrent dans plusieurs pays. Au Mexique (les Fideicomisos Instituidos en Relación con la Agricultura – FIRA, Fonds fiduciaires pour le développement rural).
Au Chili, par exemple le Fondo de Garantía para los Pequeños Empresarios (FOGAPE, Fonds de garantie de crédit pour les petites entreprises). Aux États- Unis, les garanties fournies par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en Amérique latine font l’objet d’une gestion centralisée et facilitent certains types de prêts accordés par des banques commerciales. FUNDES par exemple est une ONG suisse fondée en 1984, garantit 50% des prêts aux petites entreprises, elle a commencé au Panama et au Costa Rica, puis s’est implantée en Bolivie, en Argentine et au Mexique.
Qu’en est-il de l’Afrique ?
Effectivement l’on peut citer en Afrique les cas du Nigéria et du Kenya qui sont très avancés dans cette démarche. Au Nigeria, le Fonds de garantie du crédit agricole (Agricultural Credit Guarantee Scheme Fund – ACGSF) a été créé en 1977 afin d’accroître le montant du crédit accordé par les banques au secteur agricole.
Son but initial était de remédier au faible taux de recouvrement qui dissuadait les banques d’octroyer des prêts au secteur agricole. Il rembourse à la banque prêteuse 75% des montants impayés (principal et intérêts), déduction faite des montants éventuellement recouvrés grâce aux sûretés détenues.
Le fonds apporte aussi un soutien aux agriculteurs sur le plan des intérêts: les taux appliqués par la banque sont déterminés par le marché, mais les agriculteurs bénéficient d’une bonification de 40% s’ils remboursent leur emprunt aux échéances prévues.
Au Kenya la banque kényane, Co-operative Bank, a signé le mercredi 22 septembre, un accord de garantie de portefeuille de prêt de 6,7 millions $ avec le Fonds africain de garantie (AGF) pour accroître le financement des transactions vertes au Kenya. La Banque renforcera ainsi son engagement à financer les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) opérant dans le secteur des énergies renouvelables.
Pensez-vous que les institutions financières vont jouer les jeux ?
Toutes les institutions financières seront intéressées par le projet sauf que l’expérience du vécu laisse percevoir que les banques ou les établissements de micro finance ne financent pas à grande échelle le secteur agro pastoral au Cameroun.
C’est pourquoi il est utile et primordial pour les promoteurs de ce fonds que l’un des critères majeurs pour le choix des institutions partenaires soit le niveau d’aisance de l’institution participante vis-à-vis du secteur agricole avec des expériences de financement réussies. Les institutions financières partenaires doivent être disposées à prêter au secteur même en l’absence de Fonds de Garantie.
Je suis Jean Daniel Obama, journaliste issu de la 16ème promotion de l’Institut Siantou Supérieur à Yaoundé. Passionné des questions agropastorales, j’ai décidé de me lancer et me spécialiser dans ce domaine où j’espère apporter l’information utile non seulement aux décideurs mais également aux entrepreneurs.
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