Un groupe de personnes nommées « intellectuels » a formulé une tribune pour appeler les candidats à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 à la COALITION. Dans la mouvance, certains ont acheté l’idée selon laquelle l’opposition camerounaise serait la plus « bête » du monde. Cela fait dire que les affaires du Cameroun sont toujours bizarres. Voici quelques pistes de compréhension :

Un déficit d’engagement

L’engagement citoyen et politique consiste à manifester activement son soutien à l’amélioration de la situation autour de NOUS. Au Cameroun, beaucoup de citoyens s’avèrent être des spectateurs de la chose qui les concerne. Les ordures ménagères peuvent joncher les rues des quartiers qu’il n’y aura personne pour débarrasser.

Il faut que l’État vienne le faire. Un nid de poule peut tuer d’innombrables usagers que personne ne songera à y verser une brouette de terre. Il faut plutôt mobiliser son énergie et ses moyens pour aller s’asseoir sur un plateau de télévision et accuser l’État. Les « intellectuels » Camerounais sont des donneurs de leçon. Ils s’érigent en juge.

Ils se plaisent dans le rôle de ceux qui donnent de bons points et de mauvais points. Beaucoup se mettent au chaud quelque part à travers le monde et prennent leurs téléphones ou ordinateurs pour critiquer ceux qui travaillent sur le terrain à leur manière et avec les moyens qui sont les leurs. C’est trop facile, dira-t-on ! Il semble pour eux que tout le monde est INCOMPÉTENT au RDPC et que même le dernier des gamins voit ce que « l’opposition » n’arrive pas à voir.

En réalité, il s’agit d’un déficit d’engagement civique caractéristique des « intellectuels » camerounais. Dans une société engagée, les gens proposent leurs services pour améliorer les choses autour d’eux. Étant toutes et tous des cohéritiers, pourquoi ne pas se proposer de bien faire ce que l’on trouve que les autres font mal ? Certains se comportent comme si être « intellectuel » ou « de la société civile » était une catégorie sociale exceptionnelle.

Bernard Njonga, de regrettée mémoire, était l’un des plus grands activistes camerounais remarqué dans la défense de l’agriculteur. Il était engagé. En 2014, il s’est posé la question que chaque « intellectuel » ou chaque « membre de la société civile » devrait se poser : « Le Ministre de l’Agriculture à qui je demande l’audience pour faire mon plaidoyer me dépasse en quoi? N’est-il pas un citoyen comme moi ? » Bernard Njonga avait trouvé la réponse à sa question et je vous la donne :

« Le Ministre de l’Agriculture me dépasse parce qu’il s’est engagé ». La différence se trouve au niveau de l’engagement : certains ont franchi le cap de l’engagement politique. Beaucoup de personnes se faisant appeler « intellectuels » croient que la politique est un monde à part. Or, c’est une grosse erreur. Njonga avait compris que le « plaidoyer » n’était pas ce qui déterminait l’avenir de notre société.

Il fallait détenir le « pouvoir de décision » et c’est en politique que cela se passe. Bernard Njonga avait passé 30 ans à faire le plaidoyer en vain. Il avait compris que s’il avait été « Ministre de l’Agriculture » pour une journée seulement, alors il aurait pris toutes les décisions qu’il avait passées sa vie à demander en vain à un « Ministre ».

Et donc, je vous pose la question : les gens qui sont en politique aujourd’hui vous dépassent en quoi ? S’ils sont « bêtes », à votre goût, cela veut dire que cela reflète le niveau général de la société camerounaise en 2025. Mieux, celles et ceux qui se disent « intellectuels » comprennent bien qu’ils ne dépassent en rien ceux qui sont en politique aujourd’hui que ce soit sur le plan universitaire que sur le plan scientifique.

Ceux qui ont décidé de rentrer au pays pour s’engager en politique auraient pu rester à l’étranger comme certains qui se bornent à critiquer. Vous comprenez que la différence se trouve seulement au niveau de l’ENGAGEMENT. Alors, engagez-vous au lieu de vous borner à critiquer !

Fuite de responsabilité

On parle de fuite de responsabilité en référence à une situation d’insouciance où l’on ne remplit pas ses missions. Il s’agit ici des devoirs de citoyens. Certains conçoivent une société où les citoyens auraient uniquement des droits. Ils oublient que les citoyens ont aussi des devoirs. Et un de ces devoirs-là, c’est le VOTE.

Nous sommes au Cameroun dans un contexte politique où l’ennemi public numéro un s’appelle « ABSTENTION ». Si Paul Biya avait encore été élu Président de la République en 2018, c’était parce que le taux d’abstention était plus élevé. C’est l’abstention qui gagne les élections au Cameroun. La majorité des personnes qui ont ras-le-bol ne partent pas voter. Elles cherchent le « messie » qui viendra les sauver. Elles fuient leur responsabilité.

Faire croire qu’il existe un seul pays au monde où il y aurait « l’opposition unique » est un mensonge et un acte de fuite de responsabilité. Au Cameroun, l’époque de « la pensée unique » est révolue n’en déplaise aux « intellectuels ».

En effet, les faux-fuyants veulent une « coalition » pour ne pas avoir à exercer leurs responsabilités de CHOISIR. Ils veulent que l’on choisisse pour eux. Ils recherchent le « Messie ». Sinon, comment faire une fixation sur le nombre de candidats alors qu’ils ne sont que 12 ? Est-il si difficile de choisir entre 12 candidats dans une élection présidentielle à un tour ?

Pourquoi jeter l’opprobre à un JEUNE candidat qui pourrait souhaiter s’essayer en 2025 en vue de mieux se positionner pour les prochaines élections présidentielles à venir ? La HAINE de Paul Biya ne peut pas prendre le dessus sur la pratique politique normale. L’intolérance politique qui a pris le dessus dans l’opinion ces dernières années pousse les Camerounais à rejeter la DIVERSITÉ. C’est un recul démocratique.

Tout cela relève de la méconnaissance de la chose politique. Les « intellectuels » Camerounais regardent la politique à la télé. Ils ont une méconnaissance des acteurs politiques et des intérêts en présence. Depuis 2018, aucune RECHERCHE connue n’a été initiée sur la dynamique politique au Cameroun.

Cela veut dire que la qualité SCIENTIFIQUE de nos « intellectuels » est douteuse. Comment peut-on procéder à l’analyse sans avoir collecté les données ? Nous-autres, acteurs politiques, n’avons pas reçu un chercheur depuis 7 ans. Comment font-ils pour être des « spécialistes » de la politique camerounaise ?

Pourquoi ne sont-ils pas intéressés par les bilans politiques et les projets de société ? Parce que la logique politique en vigueur est identitaire et alimentaire. Le débat identitaire cristallise les attentions et ceux qui n’y participent pas sont considérés comme étant « morts ». Ainsi, le SDF est considéré comme étant un parti politique mort parce qu’il a quitté le champ identitaire. On ne l’entend plus, dit-on.

Son bilan et son projet n’intéressent pas les « intellectuels ». En 2025, les « intellectuels » disent en gros qu’il faut mettre sur pied l’axe Nord-Sud pour gagner les élections. Et puisque cette logique identitaire est plus importante à leurs yeux, ils sont prêts à sacrifier la morale en politique, l’éthique et l’idéologie.

Au lieu de faire valoir à l’occasion de la campagne électorale la doctrine de l’Eglise par exemple, l’on observe que même les « intellectuels » de l’Eglise demande de choisir le « DIABLE » que de choisir le Président sortant. La HAINE et que la HAINE. La dérive intellectuelle au Cameroun consiste à dévier vers l’émotionnel au moment même où il faut servir de GUIDE ou de REPÈRE à la société. On peut être surpris de constater que les OFFRES politiques n’intéressent pas les « intellectuels ». Ils demandent aux macabos et aux patates de s’unir et ils en sont très fiers !

La logique est aussi alimentaire parce que beaucoup « d’intellectuels » camerounais défendent leurs gombos. Par exemple, lorsqu’on dit qu’il y a le gombo de la francafrique, ils sont présents. Pour le gombo de l’homosexualité, ils sont là. Maintenant, c’est le gombo des élections, ils sont là.

Ils n’ont pas d’éthique ; ils n’ont pas de goût ; ils n’ont pas de limite. Le seul repère, c’est d’être du « bon côté » de l’histoire de la bouffe au Cameroun. On se connaît ! Quand une personne commence à vous critiquer avec intensité, c’est parce qu’il estime n’avoir encore rien « mangé sur vous » !

La mésinformation est devenue le plus grand fléau observé sur l’espace public camerounais : des « intellectuels » diffusent expressément des informations fausses sur des personnalités en fonction de la dimension des enveloppes reçues. Certains sont même spécialisés dans le chantage et des « appels de balle ». Il s’agit non seulement des faits de corruption et d’achat de conscience, mais de graves dérives éthiques.

Personnellement, j’ai publié une demi-douzaine de travaux scientifiques sur le vocabulaire de la manducation dans la politique camerounaise. Le mécanisme est tellement bien huilé que le bandit est le premier à crier au voleur. Il lui suffit juste de travailler son réseau de followers passifs pour faire son commerce librement. Cela fait dire que c’est Paul Biya qui les sauve par son laisser-faire et que c’est lui qui en profite par la CONFUSION et l’inversion des valeurs générées.

Par exemple, on a réussi à faire passer un parti comme le SDF qui n’est jamais entré au gouvernement depuis 35 ans en ennemi public numéro un face aux partis qui ne sont sortis du gouvernement qu’après l’annonce de la convocation du corps électoral ou d’un remaniement imminent. Les fameux « intellectuels » valident le « pantouflage politique » ou encore ce que Michel Dobry appelle « la transaction collusive » qui est en cours au Cameroun. C’est plutôt un acte de régression intellectuelle.

Les choses ne sont pas aussi simples qu’ils le pensent. Tout VRAI intellectuel qui nous a approché dans l’optique de comprendre la situation n’est pas reparti avec ses mêmes convictions. Au Cameroun, les « intellectuels » sont probablement de « grands spécialistes », c’est-à-dire de grands diplômés. Ils doivent franchir le cap de l’expertise. L’expertise consiste à conjuguer les éléments du contexte pour trouver une solution pertinente.

La déroute de nos grands spécialistes, c’est de croire que la politique est logique et que les décisions politiques doivent être raisonnables. Ils doivent encore collecter les données pour découvrir qui sont les acteurs politiques et quels sont les intérêts en présence. Ils doivent savoir que le plus important en politique n’est pas d’avoir raison.

Le plus important est d’avoir le pouvoir de décision. Et on décide en fonction des intérêts en présence et du LOBBY dominant. Ce mécanisme de prise de décision n’est pas une seule réalité camerounaise. C’est universel.

En 2025, le lobby pro-camerounais est encore faible et il faut travailler à le renforcer à travers l’ENGAGEMENT. J’accuse les « intellectuels » camerounais à être des « gombistes » au moment où il faut s’engager dans des batailles politiques historiques : celles de renforcer le lobbying local. Ils ne veulent pas comme NOUS-AUTRES offrir leurs services de façon bénévole à la cause locale. Ils vont là où on PAIE cher ou mieux, là où l’on mange en donnant des leçons à ceux qui sont engagés et qui travaillent avec les moyens de bord.

Par Louis Marie Kakdeu, MPA, PhD & HDR, Deuxième Vice-Président National SDF

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La Rédaction

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