L’année 2025 approche et avec elle, les élections législatives et municipales avec celle qui cristallise tous les regards au Cameroun à savoir l’élection présidentielle. Dans le respect des dispositions constitutionnelles et du code électoral, elle est la seule qui doit se tenir à date à défaut d’être anticipée pour vacance à la fonction présidentielle.
Les partis politiques affûtent leurs armes, se mettent en ordre de bataille et veulent se lancer dans la course. À chacun selon ses moyens et ses capacités pour ce fauteuil présidentiel extrêmement convoité.
Dans cette optique, le PCRN de l’honorable Cabral Libih vient de faire une entrée chaotique sur la scène. Comment comprendre ce qui se joue actuellement ? Qui veut noyer qui au PCRN ? Quelques éléments de décryptage s’imposent.
1- Cabral Libih, le plongeon en politique.
Jeune chroniqueur des médias au verbe affiné depuis plusieurs années, cadre administratif à l’université de Yaoundé II Soa, Cabral Libih décide de se porter candidat à l’élection présidentielle de 2018. Pour les observateurs de la scène, cette candidature n’était en rien une surprise.
Porté par le parti UNIVERS de Prosper Nkou Mvondo, Cabral Libih se lance donc à l’assaut du palais d’Etoudi. Il sortira de ce scrutin à la 3e place, quelques déclarations contradictoires avec sur la victoire de l’opposition. Mais surtout un couac retentissant avec son mentor Nkou Mvondo.
Et comme en politique, il faut savoir capitaliser ses scores électoraux, Cabral Libih doit se trouver désormais son propre parti politique pour exister par lui-même politiquement.
2- le PCRN ou le verre d’eau
Alors que toute la scène politique camerounaise attendait la naissance du parti politique de Cabral Libih, l’opinion publique apprenait qu’il était devenu président du PCRN (Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale) lors d’un congrès dans ville de Guidiguis le 11 mai 2019. Le ministre de l’administration territoriale en prend acte par correspondance à lui adressée le 19 août de la même année.
Pourquoi un jeune homme politique à l’ascension confirmée peut aller se « cacher » à Guidiguis qui n’est pas connue comme l’une des plus grandes villes du Cameroun et y compris de la majorité de ses électeurs de 2018 a choisi cette bourgade pour devenir président d’un parti politique? Mystères et boules de gommes.
Toujours est-il que ce parti lui permet de se lancer dans la bataille pour les législatives et municipales de 2020. Le PCRN en ressort comme 3e force politique avec 5 députés dont Cabral Libih lui-même et des conseillers municipaux à la clé contrôlant pratiquement le département du Nyong et Kéllé. Ce qui n’est pas anodin. Il faut noter que l’UPC avec ses dissensions internes été disqualifiée des scrutins laissant son fief historique à l’abandon.
3- PCRN, barboter ou se noyer.
Avec un instrument politique à sa disposition, Cabral Libih est désormais une figure de la scène assurée. Mais les premiers couacs arrivent très tôt.
En décembre 2020 alors que se déroule la campagne des élections régionales et que le RDPC se lance à l’assaut du Nyong et Kéllé, plutôt que de mobiliser ses troupes, Cabral Libih laisse filer sur les réseaux sociaux des photos de villégiature à l’Ouest Cameroun avec un bon plat de taro. Au final, le PCRN perd les élections dans le Nyong et Kéllé et ne siégera pas au conseil régional du Centre. Et cela fait certainement des militants mécontents d’avoir raté des positions de pouvoir et d’exister sur la scène.
Une autre brouille intervient en 2021. Le résultat est la démission du 6e adjoint maire, conseiller municipal PCRN à Douala 5, Joseph Espoir Biyong le 3 mai 2021.
4- Le congrès de 2023 : la marre d’eau de Robert Kona
Annoncé pour se tenir à Kribi, du 15 au 17 décembre 2023, le congrès du PCRN est interdit par le sous-préfet de Kribi aux motifs de troubles à l’ordre public. Et l’on découvre alors les noms de Robert Kona et Romain Gouané qui seraient les pères fondateurs du PCRN.
Ces derniers ont introduit devant le tribunal de première instance de Kaélé, une plainte pour usurpation de parti politique. Et l’affaire est toujours pendante devant la justice camerounaise. Ce qui a certainement motivé la décision du sous-préfet de Kribi 2.
Toutefois des statuts du PCRN révisés lors du congrès extraordinaire du 16 décembre 2022 à Ngaoundéré, document signé par plusieurs membres dont Cabral Libih et Robert Kona, il n’est nullement question de père fondateur.
Le père fondateur, si tant qu’il existe, n’est pas fondé à faire interdire le congé du PCRN. Il y a lieu de se poser la question de savoir à quel titre Robert Kona s’en prévaut. Et surtout comment il se retrouve signataire des statuts révisés de 2022 alors qu’en 2019, le congrès de Guidiguis avait porté Cabral Libih à la tête du parti ? De plus, conformément aux statuts du parti, le siège est Yaoundé et alors pourquoi saisir le tribunal de Kaélé ?
Une évidence s’impose : un gentlemen agreement existe entre Robert Kona et Cabral Libih. Il relève de ce que, jusqu’alors Robert Kona n’est pas connu de l’opinion publique et par ricochet dans sa quête d’un parti politique, Cabral Libih s’y est retrouvé. La rencontre, les circonstances de la rencontre, les contacts et les intermédiaires de cette coalition/collusion/condition sont à déterminer. Et ça va vous met dans/à l’eau.
5- Robert Kona : La pluie ou la noyade
La sortie de Robert Kona a donné lieu à des interprétations. Il reste qu’elle a permis de découvrir que le PCRN dispose d’une milice cybernétique. Elle n’a pas hésité à s’en prendre à ce « père fondateur » et à jeter l’opprobre sur les tenants du système qui veulent écarter Cabral Libih de la course à la présidence en 2025 ou plutôt.
Le résultat a conduit à l’irritation et à la radicalisation des positions. À cet effet, Robert Kona et son groupe se sont fendus en conférence de presse le 14 décembre 2023 à Yaoundé. Une chose essentielle à retenir: la question du candidat du PCRN à la prochaine élection présidentielle, et il y a plusieurs candidats en lice.
Il est curieux de constater que lors de cette conférence un individu, vite repoussé par la police a fait irruption dans la salle. Cet individu, député suppléant de l’honorable Nourane Foster, députée PCRN à Wouri Est qui n’est pas connue pour ses sorties politiques. En effet, depuis son entrée au parlement, elle reste attachée à sa qualité d’entrepreneur économique. Et pourtant c’est son suppléant qui a tenté de faire interdire la conférence de presse. De l’eau dans le moulin, mais de qui ?
6- Cabral Libih entre deux eaux
L’élection présidentielle de 2025 n’a pas fini de faire courir. Il y a lieu de penser que dans la bataille entre tenants du système, Cabral Libih se trouve en porte-à-faux. En effet, les camps de l’ordre dirigeant qui se battent pour Etoudi ont besoin chacun de compter leurs soutiens. Tout est bon à prendre. Plus que de mettre Cabral Libih sur la touche, par Robert Kona et PCRN interposés, Cabral Libih, radicalisé ou modéré se retrouve entre deux feux dans une bataille qui n’est pas la sienne. Croyant avoir à faire au système, c’est plus un camp dans l’ordre dirigeant qui veut pousser l’autre à la faute en faisant feu de tout bois.
7- Cabral Libih et sa noyade.
Cabral Libih a-t-il réellement songé à créer un parti politique après sa mésaventure de UNIVERS ? Si tel est le cas, le candidat arrivé 3e à l’élection présidentielle de 2018 devrait connaître les dispositions de la loi de 1990 relative à la création des partis politiques. L’article 7 dans son alinéa 2 est sans ambages : « en cas silence gardé pendant trois (3) mois à compter de la date de dépôt du dossier de candidature auprès des services du gouverneur territorialement compétent, le parti est réputé exister légalement ».
Cabral Libih, par ailleurs juriste, ne peut pas l’ignorer. Il lui suffisait de brandir le récépissé de dépôt du dossier ou l’accusé de réception auprès des services du gouverneur pour rendre légal son parti. Le Cameroun compte 10 régions donc 10 services de gouverneur. Dans quelle région ce dossier a-t-il été déposé.
De plus, si ce document venait à être rendu public aujourd’hui, il pourrait nuire à la carrière politique de Cabral Libih. En effet, il démontrerait que l’homme qui ambitionne de diriger le Cameroun ne connaît pas les règles élémentaires du jeu politique. C’est en 2019 qu’il aurait dû faire cette épreuve, le capital sympathie qu’il disposait de sa 3e place à l’élection présidentielle de 2018 devait servir pour convaincre les autorités publiques de sa posture relativement au respect de la loi sur les partis politiques.
D’ailleurs, aujourd’hui, ce récépissé n’a plus de valeur juridique dans la mesure où la même loi sur les partis politiques dispose en son article 3 alinéa 4 que nul ne peut appartenir à plus d’un parti politique. President du PCRN déjà, il est.
Il reste donc à Cabral Libih de bien gérer son tournant PCRN s’il veut se donner des chances d’entrer au Palais d’Etoudi dans un futur proche ou lointain. Dans le cas contraire, c’est la noyade assurée.
Alphonse Bernard Amougou Mbarga, enseignant d’université
Je suis Jean Daniel Obama, journaliste issu de la 16ème promotion de l’Institut Siantou Supérieur à Yaoundé. Passionné des questions agropastorales, j’ai décidé de me lancer et me spécialiser dans ce domaine où j’espère apporter l’information utile non seulement aux décideurs mais également aux entrepreneurs.
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